Aujourd’hui, la droite redouble d’efforts pour affaiblir encore un deuxième pilier déjà mauvais au regard du système AVS (répartition). Au lieu d’une retraite sûre, chacun-e sera tributaire, encore plus qu’aujourd’hui, des risques sur les marchés boursiers. Les capitaux de prévoyance (886 milliards de francs en 2017) sont un marché juteux pour les banques, les assurances et les intermédiaires financiers. La droite qui les représente a voulu augmenter encore la capitalisation, à rebours du bon sens à une époque où les rendements financiers sont faibles.
Bref retour sur la contre-réforme fédérale de 2010.
En pleine crise des subprimes, le Parlement fédéral a adopté la contre-réforme de la Loi sur la prévoyance professionnelle (LPP) qui limite drastiquement la possibilité pour les caisses de retraites des collectivités publiques de fonctionner selon le système de l’AVS (répartition), en les obligeant à se capitaliser à 80% sur 40 ans. La proposition initiale du conseiller national Serge Beck (PLR) – une capitalisation à 100% sur 10 ans – aurait contraint les collectivités publiques à verser près de 50 milliards de francs, les ruinant au passage.
Cette contre-réforme, adoptée en 2010, n’a dès lors cessé de déployer ses effets. Berne et Genève, notamment, ont dû passer deux fois à la caisse. C’est dans ce contexte que s’ancre la bataille sur la Caisse de pension du personnel de l’Etat de Fribourg (CPPEF).
À Genève, les agent-e-s du service public ont fait alliance avec les locataires. La loi, acceptée en votation populaire en mai 2019, permettra de sauvegarder les rentes en créant du logement. L’apport de capitalisation imposé par le droit fédéral se fera notamment par la cession de terrains disponibles à la construction. Le système de primauté des prestations a pu être maintenu.
Sur le fondement de cette expérience, voici quelques pistes de réflexions pour les salarié-e-s du secteur public fribourgeois.
Avec un taux technique à 3,25%, un apport d’actifs et/ou une augmentation du financement de la CPPEF semble nécessaire.
Cette recapitalisation n’exige cependant pas un passage du régime de primauté des prestations à celui des cotisations, qui transfère les risques des marchés financiers sur les seul-e-s assuré-e-s. Conséquence: l’objectif de rente, calculé en pourcentage du salaire assuré, tomberait. La rente dépendrait ainsi de l’évolution de l’effectif des assuré-e-s, mais surtout de la conjoncture économique et des rendements de la fortune de la caisse. Les risques sont donc élevés. M. Godel l’a confirmé en septembre dans une interview à la RTS : « Le succès de la réforme dépendra aussi du rendement des marchés financiers ».
Le passage au régime de la primauté des prestations peut entraîner des pertes de retraites élevées pour les assuré-e-s. Pour limiter la casse, les collectivités publiques confrontées à ce problème ont prévu des compensations. La manière dont celles-ci sont calculées est décisive. Si la compensation se fait par le versement d’un apport sur les comptes individuels des assuré-e-s, le montant de cette compensation doit prendre en compte l’éventualité que la caisse ne puisse verser que des intérêts faibles ou inexistants (ce qui est arrivé dans le privé). Or la compensation prévue par le Conseil d’Etat fribourgeois pour limiter les pertes de retraites à 9,5% est calculée sur une projection d’intérêts futurs de 2,5% crédités sur les comptes individuels. Il est pourtant quasi-certain que les assuré-e-s ne pourront pas bénéficier d’un tel intérêt, car le taux minimum LPP est de 1% ! Les pertes seront donc nettement plus élevées que celles annoncées.
Il apparaît donc indispensable que les bases de calcul du Conseil d’Etat soient vérifiées par les assuré-e-s, avec le soutien d’un-e expert-e en prévoyance professionnelle.
En outre, toute rémunération des comptes individuels inférieure au taux minimum LPP doit être comptée comme une contribution d’assainissement des assuré-e-s, sur le modèle de la loi cantonale bernoise.
La « solution genevoise » consistant à céder des terrains pour construire du logement est une piste de réflexion intéressante à Fribourg, ce canton disposant de parcelles bien situées (par exemple, la caserne de la Poya).