1. L’urgence climatique est réelle !
Depuis plusieurs années, les rapports scientifiques s’enchaînent pour alerte sur le réchauffement climatique en cours et ses conséquences. Pour Julia Steinberger, principale rapporteur du dernier rapport du GIEC – groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat – nous prenons la direction d’un réchauffement d’au moins 3 degrés. Cela constituerait la « promesse d’un futur cataclysmique[1] ». Selon le rapport du GIEC de février 2022, « environ un milliard de personnes pourraient vivre d’ici 2050 dans des zones côtières menacées par la montée des eaux »[2]. Les autorités fribourgeoises elles-mêmes reconnaissent ce fait : « Sans mesures de protection du climat, les températures vont continuer à augmenter et provoquer des dommages irrémédiables, aussi sur le territoire fribourgeois et la qualité de vie de ses citoyens et citoyennes. [3]»
Malgré cette situation, l’inaction climatique perdure. De grands discours sont fait sur l’importance de l’écologie individuel, les citoyen-ne-s s’engagent et réduisent leurs émissions pendant que les multinationales et les banques continuent à émettre de grandes quantités de gaz à effet de serre. Cette stratégie ne permettra pas de tenir les engagements des Etats comme le montre les analysent de carbone 4 : les ¾ des réductions doivent être obtenus par des décisions politiques dans une stratégie climatique cohérente[4]. Dans le canton de Fribourg, aucune mesure n’est prise pour réguler la place financière alors que cette dernière est responsable de 15% des émissions du canton[5]. Cela n’est plus acceptable, d’autant plus que l’argent de la place financière est nécessaire au financement de la transition écologique !
L’urgence climatique est réelle. Il est désormais nécessaire que la CPPEF prenne des mesures fortes pour réduire son impact carbone et favoriser la transition écologique !
2. La CPPEF nuit au climat !
L’alliance climatique a épinglé à de nombreuses reprises la CPPEF pour inaction climatique. Dans les différents ratings [6] - comparaison des mesures de durabilité prises par les caisses de pension – la CPPEF était longtemps classée rouge. Pourquoi cela ? Car la CPPEF n’a aucun objectif de réduction d’émissions pour son vaste parc immobilier et car ses investissements dans les énergies fossiles continuent. Le directeur général de la CPPEF Gilles André à par exemple reconnu détenir pour 12,9 millions de francs placés dans le charbon et à refuser d’annoncer le montant investi dans le pétrole[7].
Récemment, le SSP a obtenu la publication de la charte ESG de la CPPEF. Cette dernière se fixe des objectifs de décarbonisation sans se donner les moyens de les tenir : des exclusions thématiques liées au climat sont annoncées mais des seuils de tolérance particulièrement élevés sont fixés. Ainsi, une entreprise qui ferait 19% (moins de 20) de son chiffre d’affaires avec le charbon et 29% (moins de 30) avec l’extraction de pétrole serait arbitrairement considérée comme une entreprise durable. Une critique plus complète de la charte ESG est disponible dans le journal du SSP du 19 août[8].
La CPPEF est une caisse de pension qui nuit gravement au climat et place nos retraites dans les énergies fossiles. Le comité doit dès maintenant prendre des engagements forts pour réduire son impact carbone, sous la pression du personnel si nécessaire !
3. Nous sommes légitimes à agir !
La fortune de la CPPEF a été constituée par les cotisations des employé-e-s de l’Etat et par des versements de l’Etat-employeur. C’est donc notre argent, tant par nos impôts que par nos cotisations, qui a constitué la fortune de la CPPEF. Cela nous donne le droit d’exiger que nos préoccupations environnementales soient prises en compte par le comité de la CPPEF, en particulier par les 6 représentant-e-s des employé-e-s. Nous avons également le droit de savoir où notre argent est placé et d’être tenus régulièrement informé-e-s des avancées de la décarbonisation de la CPPEF. Cela est loin d’être le cas : si Gilles André, directeur général, a reconnu sur les ondes de radio Fribourg que la caisse possède 12,9 millions de francs placés dans le charbon, il a refusé de communiquer le montant placé dans le pétrole[9]. Pourtant, cette exigence est parfaitement réaliste et déjà réalisée dans plusieurs caisses de pension publiques comme celle du canton de Neuchâtel.
La fortune de la CPPEF est notre fortune, constituée par nos cotisations et nos impôts. Nous avons donc le droit d’être informés et nos préoccupations doivent être prises en compte !
4. Les mesures que nous demandons sont écologiquement efficaces !
La politique de placement de la CPPEF est un enjeu politique important : une telle fortune peut influencer les choses dans la bonne ou la mauvaise direction. De façon très concrète, le parc immobilier est composé de 158 immeubles d’une valeur de 1,4 milliards de francs– ce qui peut permettre des économies d’énergie conséquentes. Nous avons donc un véritable levier d’action pour faire avancer la transition écologique.
Les autres placements mobiliers doivent également être décarbonés. Nous avons pour cela travaillé avec l’économiste Eric Jondeau, professeur à l’université de Lausanne et coauteur d’études sur la décarbonisation de la banque nationale[10]. Ce dernier insiste tout particulièrement sur les investissements favorables à la transition écologique – notamment dans les énergies renouvelables - et l’exclusion du secteur des énergies fossiles. De plus, les acteurs financiers, en premier lieu les caisses de pension, doivent exiger des entreprises dont ils sont actionnaires des diminutions d’émissions – avec menace de désinvestissements si des améliorations ne sont pas obtenues. Ces différentes propositions ont été intégrés à la pétition et nous les transmettrons au comité de la CPPEF.
Avec notre pétition, nous demandons à la CPPEF de prendre des mesures efficaces pour décarboner la caisse de pension : exclusion stricte des énergies fossiles, financement de la transition écologique, réduction de la consommation énergétique du parc immobilier.
5. La durabilité n’est pas un danger pour les rentes !
Différents éléments nous permettent de dire qu’une politique de durabilité ne met pas en danger le niveau des rentes. De façon quantifiée, la caisse de pension du personnel de la confédération Publica – un bon élève en manière climatique[11] - a réalisé un rendement de 4,4% en 2021. De plus, selon les calculs des « Artisans de la transition » la BNS aurait pu diminuer ses émissions tout en augmentant ses profits : «si la BNS avait exclu les entreprises les plus émettrices de CO2 de son portefeuille et avait privilégié des entreprises vertueuses du point de vue du climat, elle aurait réduit de moitié les émissions dont elle est responsable, et gagné encore plus d’argent : plus de 20 milliards de francs entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2017. »
A long terme, les placements dans les énergies fossiles sont une mauvaise idée. Avec l’abandon progressif des énergies fossiles, les titres de ces entreprises peuvent perdre rapidement une grande part de leur valeur boursière. Un exemple intéressant est la caisse de pension du canton d’Argovie qui a modifié profondément sa politique de placement pou limiter les « risques climatiques » soit les risques financiers conséquent à la possession d’actions du secteur des énergies fossiles[12].
Les calculs d’Eric Jondeau permettent également de rassurer les assuré-e-s. Il est possible de faire baisser fortement et rapidement l’impact carbone d’une caisse de pension en ne vendant qu’une part réduite des titres. Il a notamment calculé que dans le cas des actions d’entreprises américaines détenues par la BNS, : la vente de 89 titres sur les 1991 possédés permettrait une baisse des émissions de 59% pour une influence sur les rendements inférieure à 0,1%[13] .
Appliquer une politique de durabilité à la CPPEF ne met pas en danger le niveau des rentes. Les caisses de pensions respectueuses de l’environnement obtiennent de bons rendements et gagnent en stabilité, ce qui est essentiel pour pouvoir payer les retraites !
6. La CPPEF peut donner l’exemple
La Suisse est un mauvais élève en matière de climat, principalement à cause des ses importations, de l’aviation et de sa place financière. Selon une étude du cabinet de conseil McKinsey – rédigée en collaboration avec le WWF et Economiesuisse, notre pays est autant émetteur que le Japon ou le Brésil[14]. Il faut donc de toute urgence réguler l’activité de notre place financière.
La CPPEF n’est qu’un acteur secondaire de la place financière suisse, mais toutes les caisses de pension possèdent une fortune cumulée évaluée à 1000 milliards de francs[15] ce qui est loin d’être négligeable. La CPPEF peut exercer une influence au sein de l’Association Suisse des instituts de prévoyance (ASIP) dont la fortune cumulée des membres atteint 650 milliards de francs[16].En commençant à agir à Fribourg, nous donnons l’exemple aux autres caisses de pensions de Suisse.
Au SSP, nous sommes convaincu-e-s que le changement passe par la mobilisation des cotisant-e-s qui doivent demander à leur caisse de pension d’adopter des stratégies climatiques ambitieuses. Les documents produits par le SSP-région Fribourg ainsi que notre expérience seront mis à disposition d’autres syndicats qui voudraient s’en inspirer. De plus, nous travaillons actuellement avec les sections romandes du syndicat pour que des campagnes similaires puissent être lancées dans les autres cantons.
La CPPEF peut montrer l’exemples à d’autres caisse de pension et exercer une influence importante au sein de l’ASIP. La mobilisation des employé-e-s commence à Fribourg mais sera étendue aux autres cantons romands dans les prochains mois.
[1] Son interview : https://ssp-vpod.ch/themes/ecosyndicalisme/paroles-dexpert-e-s/nous-pouvons-empecher-le-cataclysme/
[2] Un résumé de ce rapport se trouve ici : https://information.tv5monde.com/info/le-rapport-du-giec-resume-en-5-points-un-recueil-de-la-souffrance-humaine-446722
[3] Plan climat cantonal, page 7, consultable ici : https://www.fr.ch/energie-agriculture-et-environnement/climat/climat
[4] https://www.carbone4.com/publication-faire-sa-part
[5] Selon le plan climat cantonal, page 25.
[6] Comparaison des mesures de durabilité prises par les caisses de pension : https://ka-generate-pdf.herokuapp.com/?slug=caisse-de-prevoyance-du-personnel-de-letat-de-fribourg-cppef&lang=fr
[8] En page 4 : https://ssp-vpod.ch/site/assets/files/0/41/714/ssp_12_web.pdf
[9] Interview à écouter ici : https://soundcloud.com/unimixfr/unimix-politique-societe-politique-dinvestissements-de-la-cppef-22052022-sylvain
[10] Un de ces articles est consultable ici : https://e4s.center/document/decarboner-le-portefeuille-de-la-banque-nationale-suisse/?lang=fr
[11] Caisse classée vert par l’alliance climatique : https://ka-generate-pdf.herokuapp.com/?slug=publica&lang=fr
[12] La fiche rédigée par l’alliance climatique est disponible ici : https://ka-generate-pdf.herokuapp.com/?slug=aargauische-pensionskasse-apk&lang=fr
[13] https://e4s.center/document/decarboner-le-portefeuille-de-la-banque-nationale-suisse/?lang=fr
[15] Etude sur les caisses de pension suisse, page 16 https://pensionstudy.swisscanto.com/21/app/uploads/Etude-sur-les-caisses-de-pension-2021.pdf